Si tu vas à Rio...

Publié le par antes-ou-depois-da-chuva

Je vous préviens, vous en savez sans doute bien plus que moi sur les débouchés (ou non débouchés...) de Rio + 20. Car j'ai été tellement occupée à courir d'un endroit à l'autre que je n'ai pas ouvert un journal ou regardé la télé de toute la semaine. Oui, j'y étais, mais ma lorgnette était toute petite, comparée à la multitude d'événements parallèles. Mais j'ai pu prendre un peu la température de cet événement "planétaire". Dès l'arrivée à l'aéroport, vous arrivez dans une ville en état d'alerte. Les patrouilles de militaire sont postées le long des axes principaux et à la plupart des coins de rues. Les hélicoptères des délégations survolent la ville, se succèdant toutes les 10 minutes, et ce dès 6h du matin. Les délégations de pays plus modestes circulent en voiture, en cortèges protégés, avec sirènes. On sent que c'est du "sérieux".

 

J'étais là un peu par hasard : j'avais envoyé une communication pour une conférence des économistes écologiques et il se trouve qu'elle avait été programmé pour être juste avant l'événement officiel des Nations Unies. Les organisateurs en ont profité pour faire venir des pointures qui se trouvaient déjà par là pour le sommet de la terre. J'ai pu voir en chair et en os plusieurs idoles des économistes, dont Ignacy Sachs, franco-polonais, inventeur de l'idée d'écodéveloppement discuté à Stockholm en 1972, et également actif dans les négociations en 1992. Malgré son grand âge (85 ans), il reste vif, enthousiaste et optimiste, proposant de construire une planification mondiale qui permettrait de respecter les limites environnementales de la planète. Quand un jeune lui demande s'il n'y a pas un air de "déjà-vu" pendant les discussions de Rio +20, il répond qu'à l'époque de Stockholm, ces discussions étaient totalement alternatives, aujourd'hui ça devient des idées répandues. Certes, on n'a pas beaucoup de temps à perdre pour s'organiser, mais le pire, selon lui, serait de virer dans le pessimisme radical.

 

Après trois jours de conférence, j'avais envie de sortir des salles de conférences. La "cupula dos povos" (le sommet des peuples) était installé dans le parc du Flamengo, juste au bord de la plage. Là c'est ambiance festival : ONG, assos' en tout genre, artistes, artisans, clowns, hare krishna, tout un brouhaha d'idées sur plus d'un km de long (voir les photos). Un premier village rassemble les baraques d'ONG de développement local, d'où on est sorti chargé de brochures et de livres. On a alors déambulé le long de la promenade artistique, où des oeuvres d'art provocantes interpellent le passant, comme des arbres carbonisés. On arrive alors à la place centrale où sont rassemblés les indiens du Brésil ou d'ailleurs, pour débattre de différents sujets, montrer leur artisanat, danser. La dernière partie du chemin amène jusqu'au musée d'art moderne, où s'exposent les grandes ONG internationales comme Greenpeace, certaines entreprises brésiliennes, et où une arène socio-environnementale sponsorisée par les plus grandes entreprises brésiliennes accueille des débats à haute-technologie, avec une retransmission en direct et interactive via internet. C'est là que les personnalités "alternatives" viennent se montrer, acteurs, journalistes, et même des ministres brésiliens, qui viennent presque incognito.

 

Pendant que le peuple débat vivement (mais parait-il sans réussir à se mettre d'accord), à 40 km de là, les délégués écoutent à la conférence des Nations Unies la déclaration finale qui a déjà été adoptée (après 6 mois de négociation tout de même). Mais surtout, ils peuvent assister à des événements parallèles où ONG, entreprises, institutions de recherche présentent leurs actions et donnent leur avis sur différents sujets. Seuls les chefs du Cirad avaient eu une accréditation pour avoir accès au centre de congrès, mais quand on a su, avec mes collègues, que François Hollande donnerait un discours au Pavillon de France, situé dans le Parc des Athlètes (pour les futurs jeux olympiques), on est allé tenter notre chance. Après une heure et demie de bus, on arrive là où toute l'attention du monde s'est portée pendant 3 jours et ça se sent. Des troupes de militaires circulent, bouclier levé, tout autour du centre de congrès. Tous les bus sont arrêtés, un militaire monte pour regarder. On se dit qu'on n'arrivera jamais à entrer, mais un collègue qui a eu l'accréditation nous attend à l'entrée du Parc des Athlètes, il a déjà expliqué notre cas, une femme nous donne des badges avec des noms de personnes qui ne sont pas venus... et on entre sans problème. Après le sommet des peuples, changement d'ambiance radical. Ici, ça sent la foire-exposition, chaque pays a son pavillon officiel avec des expos qui louent tous ses programmes durables. On attend au Pavillon France, sponsorisé par Veolia, Suez, GDF mais aussi différents conseils généraux ou mairie de grandes villes (dont Montpellier). On nous annonce qu'en raison de la "désorganisation brésilienne" (que de diplomatie!), le président aura un peu de retard... après deux heures, le président arrive enfin, accompagné de ses ministres. Il parle 3 minutes, loue la présence de la société civile, puis repart en serrant des mains... frustrant! mais les enfants de mes collègues auront réussir à lui serrer la main ou à avoir un bisou, l'après-midi n'est pas complétement perdue. Je suis retournée le lendemain au Parc des Athlètes pour voir quelques conférences, mais ça sent surtout la langue de bois, les discours officiels et les auto-félicitations... mais bien que je sois critique de l'"économie verte", c'est bien de voir qu'il n'y a pas que les altermondialistes, mais aussi les régions, les villes, les entreprises qui se sentent concernées.

 

Que tirer de tout ça ? C'est quand même impressionant de voir cette concentration des personnes du monde entier (certains disent que c'est le plus grand événement des Nations Unies jamais vu : 50.000 officiels, plus tous ceux qui sont venus juste pour faire partie du peuple, comme moi). Ca permet sans doute une sacré circulation d'idées, mais clairement, ce n'est pas là qu'apparaissent les nouvelles idées, on est plutôt dans du main-stream... les journaux disent que le sommet a été un échec, mais pourquoi attendre autant d'une déclaration officielle qui ne pourra être que lisse? ce sont nos initiatives qui font changer les choses, et un sommet comme ça permet de voir que les idées ne manquent pas et que déjà beaucoup d'entre elles sont mises en action. Il y en a déjà bien plus qu'en 72 et 92, même s'il reste encore beaucoup à faire... 

 

Publié dans Voyages

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